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RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES MORALES - FAUTE PROUVÉE - AUTEUR DE L’INFRACTION (Cass. Crim 11 avril 2012)

Le 22 juin 2016
La cour de cassation revient à une conception plus classique en exigeant du juge du fond qu’il établisse la faute de l’agent ayant agi au nom et pour le compte de la personne morale.


Depuis la réforme de 1992, l’article L.121-2 alinéa 1er du code pénal dispose que :

« Les personnes morales, à l’exclusion de l’état, sont responsables pénalement (…) des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ».

Cet article pose deux conditions permettant d’engager la responsabilité de la personne morale :

-          que l’infraction soit commise par un organe ou un représentant de la société,

-          que l’infraction soit commise pour le compte de la société.

Après s’être largement affranchie de ces exigences allant jusqu’à admettre une présomption simple de responsabilité relative à l’auteur de l’infraction, la cour de cassation en revient à une conception plus classique en exigeant du juge du fond qu’il établisse la faute de l’agent ayant agi au nom et pour le compte de la personne morale.

1. L’existence d’une présomption simple reposant sur l’auteur de l’infraction

Par un arrêt dit «arrêt Sollac» rendu en matière d’homicide involontaire résultant d’un manquement aux règles d’hygiène et de sécurité[1], la Cour de cassation a admis une présomption simple concernant l’identité de l’auteur de l’infraction. La solution adoptée par les juges leur permet de ne pas rechercher l’identité de l’auteur de l’infraction dès lors qu’elle a été commise pour le compte de la société.

Cette jurisprudence est particulièrement défavorable aux personnes morales puisqu’il leur revient de démontrer que l’infraction en question n’a pas été commise par l’un de ses organes ou représentants.

Cette solution a été reprise depuis [2].

Une partie de la doctrine[3] estime qu’elle a le mérite de lutter contre la criminalité d’entreprise, en particulier lorsque l’entreprise ne dispose pas d’une organisation suffisamment claire permettant l’identification de l’auteur de l’infraction commise pour son compte.

Néanmoins, la position de la chambre criminelle demeurait peu conforme à l’article L.121-2 du Code pénal qui exige la réunion des deux conditions dont fait partie l’obligation d’identifier un des organes ou les représentants comme étant l’auteur de l’infraction.

2. La suppression de la présomption par le juge

Par un arrêt du 11 octobre 2011[4], la chambre criminelle de la Cour de Cassation a amorcé le revirement en cassant un arrêt de la Cour d’appel qui avait condamné la société pour homicide involontaire. L’arrêt était cassé au motif que :

« En se prononçant ainsi sans mieux s’expliquer sur l’existence effective d’une délégation de pouvoirs ni sur le statut et les attribution des agents mis en cause propres à en faire des représentants de la personne morale au sens de l’article 121-2 du Code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

La chambre criminelle semble ici revenir à une application stricte nécessitant l’identification de l’auteur de l’infraction. Toutefois dans l’arrêt du 11 octobre 2011, les juges du fond prenaient le soin d’identifier les deux salariés à l’origine de l’infraction,  même s’ils ne bénéficiaient  pas d’une délégation de pouvoir écrite au moment des faits.

A l’inverse, dans l’arrêt du 11 avril 2012, les juges du fond n’imputaient l’infraction à aucun agent en particulier mais plus généralement à la société. La cour d’appel avait jugé que la société était coupable de négligence en n’observant pas l’obligation de formation à la sécurité imposée par les articles du code du travail. La cour d’appel avait estimé que la société avait «créée la situation qui a permis la réalisation du dommage» ou n’avait «pas pris les mesures nécessaires permettant de l’éviter».

Cette solution conduisait à reconnaître des fautes d’organisation de la personne morale, qui sans être imputables à un auteur déterminé traduisait un dysfonctionnement du service. Favorable aux agents personnes physiques, simples rouages d’une organisation collective, la solution permettait aussi au juge  de s’affranchir de la caractérisation d’une faute précise pour s’attacher essentiellement au lien de causalité imputé à la personne morale. C’était au plan pénal un surprenant retour de la faute de structure.

La Cour de cassation par son arrêt du 11 avril 2012[5] a cassé l’arrêt d’appel en jugeant :

« En se prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société G. et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

Par ces deux arrêts, la Cour de Cassation rappelle avec fermeté les conditions nécessaires pour engager la responsabilité pénale des personnes morales.
L’existence d’une victime n’implique pas toujours un coupable serait-il un organisme abstrait.

 


 

[1]Cass. crim. 20 juin 2006 n° 3626 : RJDA 11/06 n° 1139.

[2]Cass. crim. 26 juin 2007, n° 06-84.821 : RJS 1/08 n°41.

[3]D.2007, jur. 617, J. Ch. Saint-Pau ; E. Dreyer, Droit pénal général, Litec 2010 n° 1097 ; RLDA 2011 n°59 p.61, J. Lasserre  Capdeville

[4]Cass. crim. 11 octobre 2011, n°10-87.211.

[5]Cass. crim. 11 avril 2012 n° 10-86.974.